Mariages d’enfants au Bénin : quand la tradition freine l’avenir
Dans un pays comme le Bénin, la pauvreté pousse certaines familles à envisager le mariage comme solution financière. Ce transfert permet de soulager les dépenses et parfois de recevoir un cadeau matrimonial en échange. Certaines coutumes assignent la valeur d’une fille à sa virginité et au mariage dès les premières menstruations. Dans des communautés où la tradition prime, le mariage précoce est vu comme un devoir moral, un bouclier contre les grossesses hors mariage.
Ce phénomène est particulièrement prononcé dans les zones rurales du nord. Avec une fille sur trois contraintes au mariage, c’est une génération entière dont l’enfance est amputée. Le mariage renforce des rôles genrés bien ancrés. Les femmes restent souvent dans une position secondaire, économiquement et socialement. Tant que les mentalités ne changent pas, des lois risquent de rester lettre morte.
Depuis 2003, l’âge minimum légal du mariage est fixé à 18 ans pour les deux sexes, conformément aux normes internationales. Le Bénin a également ratifié plusieurs conventions, dont la Charte africaine des droits de l’enfant et la Charte des droits des femmes en Afrique.
Cependant, l’application dans les villages demeure symbolique. Entre 2024 et avril 2025, 336 cas de mariages forcés d’enfants et 60 cas jugés en justice ont été documentés. Ces chiffres révèlent un sous-signalement flagrant et beaucoup de mariages ne sont même pas enregistrés, d’autres sont arrangés de façon informelle sans provenance administrative.
Des études comparatives montrent que le simple relèvement de l’âge légal du mariage n’est pas suffisant en l’absence de contrôle et de sensibilisation. Une loi est efficace seulement si elle est accompagnée d’un déploiement sur le terrain. Le plan national de protection de l’enfant et la loi 2021-11 ont institué une tolérance zéro envers les violences faites aux filles, incluant le mariage d’enfants.
Des cliniques juridiques communautaires sensibilisent les autorités locales et les juges sur les droits des mineurs. Armande HOUEDJISSI, sociologue, fait remarquer que « le mariage précoce est moins un choix individuel qu’un sacrifice familial pour améliorer les conditions économiques ». Quant à Rodrigue ALAFAI, psychologue, « ces unions déclenchent dépression, traumatisme et perte de confiance chez les jeunes filles, privées d’éducation et d’autonomie ».
Plusieurs conséquences sont engendrées par ce phénomène, dont l’éducation qui est interrompue faute de scolarité, car les filles n’accèdent pas aux compétences nécessaires pour travailler ou s’émanciper, insiste la sociologue. Ensuite, l’on peut citer, les risques pour la santé qui conduisent aux grossesses précoces entraînent des complications graves, voire mortelles.
Dans ces conditions, les adolescentes de 12 à 15 ans présentent un risque maternel bien supérieur à celui des femmes plus âgées, note le psychologue. En termes de perspectives et défis, les gouvernants devront rendre la loi effective afin de renforcer la formation des agents publics et des chefs traditionnels et de multiplier les brigades de protection de l’enfance pour signaler les cas.
Il urge aussi de changer les normes pour poursuivre les interventions culturelles de terrain, avec des campagnes artistiques, des ateliers dans les écoles et les églises et des collectes de témoignages. Entre autres actions à mener, soutenir l’éducation à travers des bourses, le mentorat, la sensibilisation aux droits sexuels et reproductifs dès l’adolescence, mais aussi et surtout mobiliser la communauté internationale pour renforcer les partenariats financiers et soutenir les actions éducationnelles et juridiques sur le long terme.
Au Bénin, le mariage des enfants n’est pas une fatalité, mais un choix imposé par la pauvreté, le poids des traditions et le déficit d’application des lois. Ce fléau entrave profondément le développement individuel et collectif. Pour tourner la page, les initiatives actuelles doivent s’intensifier et se multiplier. L’enjeu va bien au-delà, c’est un combat pour l’avenir de la société béninoise, une affirmation que chaque enfant mérite d’être pleinement enfant, d’apprendre, de rêver et d’agir.
Mise à disposition de vivres au profit d’une famille défavorisée d’Adoukandji pour la soulager de certaines dépenses
08/11/23
Livraison de vivres au centre Saints Innocents de Lobogo
18/12/23
Livraison de vivres au centre Sainte-Thérèse de l’enfant Jésus de tchatchou