Enfants et médias au Bénin : pour quelle représentation dans l’espace public ?

Au Bénin, comme dans toute l’Afrique subsaharienne, la télévision reste le média dominant, avec près de 54–59 % du temps d’écoute dédié aux chaînes jeunesse. Pourtant, ce que ces jeunes esprits voient devant l’écran ou en ligne, reste souvent détaché de leur quotidien. Les enfants béninois sont donc à l’intersection d’un monde médiatique global et d’une identité locale fragile à représenter.

 

Les chaînes jeunesse dominent toujours, mais les contenus locaux émergent timidement. Toutefois, les médias nationaux tardent à investir dans une représentation véritablement adaptée aux enfants, car peu d’émissions créées par eux, peu de dialogues sur leurs préoccupations avec un déficit de contenus locaux valorisant leur culture. 

L’association Educ’Action et l’Université d’Abomey‑Calavi ont lancé en décembre 2024 un manifeste appelant à utiliser les médias pour une parentalité bienveillante avec des contenus adaptés aux enfants, des outils pour parents, la formation des journalistes et des messages valorisant les savoirs locaux. 

Face à cette épineuse préoccupation, Fernand NOUWLIGBETO, consultant média, plaide pour une signalétique clairvoyante selon l’âge, les lignes vertes d’alerte, les interventions pédagogiques à l’école et les sanctions de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication contre les dérives.

Risques et dérives ignorées…

Avec la montée du numérique, les enfants sont exposés à des contenus dangereux, à savoir des images violentes, des discours haineux, mais aussi des fake news. Brune ADEOSSI, pédopsychiatre, alerte sur les conséquences qui peuvent être les stress, les visions faussées de la réalité, les comportements inadéquats. 

Dans sa vision de protection des enfants, l’UNICEF appelle à l’élaboration de politiques robustes pour garantir un accès sûr et équitable au numérique. Bien que la pénétration d’Internet au Bénin dépasse 50 %, le déficit de protection et de régulation des contenus reste criard. 

« La présence des enfants dans les médias n’est pas qu’une question de visibilité. C’est la reconnaissance de leur place dans la société. Sans représentation positive, ils restent invisibles et dépréciés », estime Alain SOHOUIDE, Sociologue.

Des initiatives à prendre…

Plusieurs initiatives émergent, notamment celle de la Fondation Regard d’Amour qui a opté pour la sensibilisation via projections de films éducatifs en milieux ruraux, en complément de droits à l’enfant. Par ailleurs, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication et l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste doivent coordonner la régulation audiovisuelle, signalétique et les lignes d’alerte.

Ceci justifie la raison pour laquelle, en termes de perspectives d’avenir, il va falloir produire davantage de contenus locaux pour enfants, à savoir les contes, les arts, les sciences et les débats. Il est aussi nécessaire de former des journalistes spécialisés et renforcer les organisations comme l’Observatoire de Déontologie et de l’Ethique dans les Médias et l’Union des Professionnels des Médias du Bénin pour encadrer la diffusion adulte-enfant, d’institutionnaliser la participation enfantine via conseils, journaux scolaires et télé digitale, d’encadrer l’accès numérique, mais aussi et surtout de favoriser une éducation aux médias dès l’école, intégrée dans les programmes.

La représentation des enfants dans les médias béninois est à la croisée des chemins. Les écrans peuvent être des espaces de reconnaissance, d’apprentissage et de protection ou au contraire des vecteurs d’aliénation. 

Pour que les jeunes béninois grandissent en confiance, leurs voix doivent être entendues et leurs visages valorisés et cela exige un effort concerté avec un contenu local, une régulation responsable et un rôle actif des enfants. Car ce que les médias racontent d’eux influe sur ce qu’ils croient pouvoir devenir.