Réforme de la justice des mineurs au bénin:entre progrès et défis

La justice des mineurs au Bénin a fait l’objet de nombreuses réformes ces dernières années, visant à améliorer le traitement judiciaire des jeunes en conflit avec la loi. La nécessité d’un système à la fois répressif et éducatif, capable de prendre en compte les spécificités des mineurs, demeure au cœur des préoccupations des autorités béninoises.

Toutefois, bien que des progrès notables aient été réalisés, des défis importants subsistent pour garantir l’effectivité des droits des enfants et leur réinsertion sociale. L’enjeu majeur est d’assurer une justice adaptée qui concilie à la fois la protection des droits des mineurs et la lutte contre la délinquance juvénile.

Le système judiciaire béninois, historiquement marqué par une approche punitive, a progressivement évolué. Le Code de l’Enfant, réformé en 2015, a introduit de nouvelles pratiques, offrant une approche plus orientée vers la rééducation que la sanction. Ce texte consacre, entre autres, la création de tribunaux pour enfants, dédiés spécifiquement à juger les mineurs.

Ces juridictions visent à favoriser des décisions plus adaptées à l’âge et à la personnalité des jeunes délinquants. Selon le Ministère de la Justice et de la législation, entre 2015 et 2020, le nombre de jeunes placés sous des mesures éducatives a augmenté de 30 pour cent, signe de l’adhésion progressive du système à cette nouvelle approche.

La justice pour mineurs repose sur trois piliers dont la prévention. Elle vise en premier lieu à éviter que les enfants ne se mettent en conflit avec la loi et, le cas échéant, à leur éviter un contact direct avec le système formel de justice pénale. Ensuite, la diversion dont le but est de garantir aux mineurs en conflit avec la loi ou en danger, des mesures adaptées à leur situation.

Enfin, la protection qui vise à protéger les enfants en danger des risques pouvant les conduire à se mettre en conflit avec la loi et/ou des formes de maltraitances et infractions qui pourraient être commises à leur encontre. Cette protection tient compte de leur évolution personnelle, pour les dissuader de toute récidive, encourager leur réhabilitation et faciliter leur réinsertion dans la société.  

Des avancées concrètes…. 

Si les réformes sont louables, la réalité sur le terrain montre qu’elles rencontrent de nombreux obstacles. Le manque de ressources et de formations adaptées pour les professionnels de la justice reste un frein majeur. Les juges, policiers et éducateurs spécialisés manquent souvent de moyens pour appliquer les lois dans des conditions optimales. De plus, les infrastructures dédiées aux mineurs en conflit avec la loi, bien que modernisées, sont encore insuffisantes et parfois inadaptées. Selon le quatrième rapport périodique soumis par le Bénin en application de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants publié en mai 2024, le Bénin dispose de trois centres de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (CSEA) ayant pour mission la rééducation et la réinsertion socio-professionnelle des enfants en conflit avec la loi et en danger moral, le suivi et l’accompagnement des enfants en danger moral et la prévention de la délinquance juvénile. Les centres de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (CSEA) sont appuyés par les centres d’accueil et de protection d’enfants (CAPE) qui s’investissent dans l’accueil, l’accompagnement et la réinsertion de l’enfant en situation difficile. Au sein de ces centres, les enfants bénéficient d’une prise en charge holistique comprenant des formations professionnelles, une prise en charge sanitaire et alimentaire dans le respect des normes et des standards internationaux. Toutefois, en 2023, les enfants inculpés pour délit représentent 2,24 % de l’effectif total des personnes détenues pour délit à la Maison d’arrêt de Cotonou, mentionne le même rapport.

Les statistiques de la délinquance juvénile…  

La délinquance juvénile reste un problème majeur dans les grandes villes béninoises. Selon les statistiques de la police nationale, près de 15 % des délits enregistrés à Cotonou en 2023 impliquaient des mineurs.  Les délits les plus fréquents sont le vol, les agressions et les violences physiques, souvent liées à la pauvreté et à l’exclusion sociale. Les mineurs en conflit avec la loi sont majoritairement issus de milieux défavorisés. Une étude menée en 2022 par l’ONG « l’Avocat des enfants » révèle que 68 % des jeunes jugés pour des faits de délinquance proviennent de familles avec un faible revenu.  Ce facteur économique semble être un terrain fertile pour les comportements déviants, soulignant la nécessité de politiques sociales renforcées parallèlement à la réforme de la justice des mineurs.

Réhabilitation ou récidive ?

Le cas de Koffi, 16 ans, illustre la complexité du processus de réhabilitation. Accusé de vol à main armée dans un marché à Cotonou, il a été placé en détention au centre de Missérété. Après six mois de prise en charge, Koffi a montré des signes d’amélioration, mais une fois libéré, il est retombé dans la délinquance. 

Ce cas soulève la question de l’efficacité des mesures éducatives après la sortie des centres de rééducation. Le manque de suivi post-incarcération et les difficultés d’insertion dans la société restent des points d’interrogation. À l’inverse, le cas d’Aminata, 14 ans, condamnée aussi pour vol, illustre les possibilités offertes par une prise en charge éducative adaptée. 

Placée dans un centre de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence après son jugement, Aminata a suivi un programme scolaire. Un an après sa libération, elle est parvenue à réintégrer le système scolaire et à trouver un emploi stable dans un atelier de couture à Parakou. Son histoire démontre que, malgré les obstacles, des parcours de réinsertion réussis sont possibles.

Vers une approche globale et plus humanitaire…

Afin de renforcer l’efficacité de la justice des mineurs, plusieurs pistes doivent être explorées. Il s’agit notamment du renforcement des moyens financiers et humains, du suivi post-libération, de la construction d’infrastructures adaptées et de la mise en place de politiques sociales de prévention à travers des programmes de soutien aux familles vulnérables. 

La justice des mineurs au Bénin continue de se transformer dans un contexte où la répression des actes délictueux doit se marier avec la nécessité de réinsertion sociale. Si des progrès sont réalisés, en l’occurrence à travers les réformes législatives et les efforts de prise en charge éducative, la mise en œuvre effective de ces mesures sur le terrain reste complexe. 

Le défi demeure d’assurer que les jeunes délinquants aient véritablement une chance de réintégration et que la société béninoise puisse offrir un meilleur avenir aux générations futures.